Saturday, 23 August 2008

La jeune fille et la mort


Un jour, la mort, dans sa rituelle ronde matinale,
Cueillant de merveilleux lys, à frêles pétales,
Rencontra une belle jeune fille qu’il aborda timidement,
Mon dieu, comme vous êtes belle, lui dit-elle, en rougissant,
Et la douce et belle créature de répondre,
Mon dieu, vous m’avez fait ombre.

Désolé, demoiselle, là n’était point mon intention.
Je ne faisais qu’un petit tour dans le jardin des tentations.
Et pour vous consoler de votre frayeur,
Voilà, ces fleurs sont à votre intention.

Je vous remercie mais ne puis accepter un tel présent.
Ce n’est rien, demoiselle, en l’acceptant,
Vous me faites un plaisir bien plaisant.
C’est trop gentil, je suis votre obligée, à présent.

Oh, Madame, je vous en prie, c’est moi qui le suis pour vous.
Je suis vieux, je suis laid, je suis à vous,
Vous êtes jeune, vous êtes belle, vous avez la vie devant vous,
Moi, je l’ai derrière moi, et le monde est à vous,
Je pars, à présent, et n’ose m’attarder près de vous,
De peur qu’on ne me surprenne à vos pieds
Et que vous commenciez à m’aimer,
Sentiment qu’à mon âge, je ne saurais supporter.

Est-ce que je vous dégoûte tant pour que vous partiez
Si précipitamment. je vous en prie, ne partez pas, restez,
J’ai comme quelque chose à vous dire. Je n’avais,
Au contraire, Madame, nulle intention de partir,
C’était juste, à vos égards, une formule pour vous ravir,
Afin que vous m’obligiez près de vous,
Et si j’en oublie mes soucis des enfers, je veux dire,
Ce n’est pas tous les jours que je fais de si belles rencontres, rassurez-vous.
Aux enfers, ils sont ternes et poussière.
Que voulez-vous que j’en tire, comme conversation au petit-déjeuner.

Cher ami, ne partez pas, Ou prenez-moi avec vous.
J’en ai assez de ce monde. Il n’est pas fait pour moi.
Madame, c’est profanation, comment osez-vous
Tenir un tel discours devant moi.
Je vous en prie, j’en ai assez de cette vie, Je m’en fous,
Je vous aime, c’est vous que je veux épouser
Non pas mon imbécile d’amant transi de froid à vous faire fuir.
Madame, je vous en prie, je suis votre obligé, je ne puis plus me dédire.
Suivez-moi, allons de l’autre côté des pleurs et du rire.

Amour et mort font bon ménage,
L’amour, de la mort, est l’otage.
Les deux pôles d’un même voyage.

©2008 Marwan Elkhoury
©Peinture par Henry Lévy, Musée des Beaux-Arts de Nancy, courtesy: Wiki Commons

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