Parcours Immobiles: Véra

Tuesday, 22 July 2008

Véra

Vera avait suivi la domestique à l’étage.
La domestique avait ouvert tout grand une porte.

Au bout d’un couloir,
Vera était entrée dans une chambre ravissante,
Avec une grande fenêtre donnant sur la mort,
Et l’autre, orientée a l’est.

Vera poussa une exclamation de plaisir.
La domestique était pale et livide comme un linceul.

© 2008 Marwan Elkhoury

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J’écris pour rien

J'écris pour rien,

Pour tous ceux qui sont nés pour rien,
Ceux qui sont morts pour rien,
Ceux qui ne peuvent plus rien dire,

Ceux qui ne savent plus rien dire,

Ceux qui n’ont rien à dire,

J’écris pour tous ceux qui sont là pour rien,

J'écris pour tous ceux qui n'y peuvent plus rien,

Pour tous ceux qui n’en peuvent plus,
Ceux qui n’y croient plus,

Ceux qui croient qu'il n'y a plus rien à croire,
Pour tous ceux qui n’espèrent plus rien,
Sachant pertinemment qu’il n'y a rien à espérer,

J’écris pour tous ceux, amis ou ennemis, bons ou méchants,
Pour qui ce monde n’est pas le leur,

Ni le mien, non plus,

Tu vois, frère ou l’ami, tu vois, je n’y vois rien,
Tu vois, frère ou l’ami, tu vois, je n’y peux rien,

Pour tous ceux qui ne sont plus là

Et tous ceux qui ne sont pas encore là,
La terre tourne dans ma tête et moi aussi je n’en peux plus,
La tête tourne et moi j’ai perdu la mienne,

Elle a dû tomber, là, dieu sait où,

Lors du dernier bombardement,

Quelque part dans un caniveau,

Elle a roulé, elle s’est perdue,

Dans la poussière des rues

Et la fureur des explosions.

C’est sans importance, je vous le dis, puisque je l’ai perdue,
Ces mots n’ont pas de sens, ce n’est pas grave, non plus,
Car, ces morts, ça ne vaut rien, ça ne compte pour rien,

Vous pouvez tous crever, je cracherai sur vos tombes.
Allez, tuez, ça fait du mal mais c’est pour notre bien,

Tuez, mes enfants, c’est bien pour notre avenir,
Pour cet avenir radieux

Que l’on nous promet, depuis des temps immémoriaux.

Faut bien un petit sacrifice, c'est chichement payé,

La patrie vaut bien quelques morts,

Allez-y, sans remords,

Allez-y, c’est dieu qui l’a voulu,
Oui, la volonté de dieu vaut bien quelques lubies.

© Marwan Elkhoury