Wednesday, 23 December 2009

Il y a quelque chose en moi qui s'est arrêté de vivre

Sous une lumière blafarde et crue
La neige tombe dru,
Comme sur une table de billard.

Fins cristaux légers et soyeux,
Recouvrant le monde de leur lourd linceul bleu
Court la mort qui te happe avant qu'il ne soit trop tard.

Ta bouche gercée et ton visage hagard
Me rappellent celle que j'avais perdue
Pour me faire revivre ce que je n'avais vécu.

Tes beaux yeux noirs d'obsidienne
Me transpercent de toutes parts
Comme les rayons x d'une radioscopie démentielle.

Tes bras élancés et tes doigts effilés
Caressent leur beauté sur mon corps déchiqueté
Et ton maléfique attrait me flagellerait
Sans que je ne puisse bouger.

J'esquivais ton regard pour ne pas chanceler
Tant j'étais troublé par tes pupilles dilatées
Je désirais te prendre dans mes bras, t'enlacer,
T'implorer de m'étouffer, te demander de m'étrangler,
Pour que je meure de devoir trop t'aimer,
Pour que je souffre de ne plus pouvoir t'aimer.

Je ne pouvais t'accoster mais demandais que tu restes
Je n'osais te dire que je t'aimais de peur que tu ne me chasses
Je voulais tant t'aimer, mais ne savais t'aimer,
Je voulais tant t'aimer, mais ne pouvais t'aimer.

Il y a quelque chose en moi qui s'est arrêté de vivre
Un coeur d'albâtre dans un corps de pierre
Et pour pallier à mes insuffisances d'hier
Je recherchais mes mots pour pouvoir les revivre.

Pourtant jamais je n'aurais pu le vivre
Faute de liens pour le vivre
Pourtant jamais je n'aurais su le dire
Faute de mots pour le dire.

J'ai raté le coche depuis déjà trop longtemps
J'ai raté le train, en retard sur le temps
Et pourtant je t'ai beaucoup aimée
Sans jamais pouvoir te le dire
Et pourtant je t'ai toujours aimée
Sans que tu n'aies jamais eu l'occasion de le lire.

©2009 Marwan Elkhoury

Tuesday, 31 March 2009

Elle m'a tranché la vie d'un regard obtus

Elle m'a tranché la vie d'un regard obtus
Dieu seul sait si je suis,
Comme seule une phrase absurde,
Comme seul le non-sens,
À une vie donne un sens.

Je me suis fait un honneur de n'avoir jamais connu le bonheur
Mon désespoir vient de plus loin que mon exil,
Du plus profond que l'insoutenable perte du souvenir.

Je déambule, seul, dans les rues blafardes de mes pleurs
À travers le sac et le ressac de mes peurs.

J'ai tout perdu,
Perdu ceux que j'ai toujours eu,
Perdu ceux que je n'ai jamais eu
Perdu ceux qui ne m'ont rien donné,
Perdu ceux qui m'ont tout donné.

Mon manque de goût vient d'une maladie chronique,
Celle de n'avoir jamais sû exister,
De traverser la vie pour passer de l'autre côté,
Sans pouvoir rester là où je suis,
Ni aller là où j'étais.

Je refuse la réalité comme je refuse sa fuite.
Je refuse le rêve quoique je m'y réfugie,
Ne pouvant supporter la réalité du rêve,
Pas plus que le rêve de la réalité.

Piteux ersatzs d'une piteuse réalité,
Les illusions et les mythes m'accompagnent
Dans l'intolérable destin de la vie.
Je profite de mes insomnies
Pour m'inventer de nouvelles vies
Chacune plus réelle que la vraie vie.

Qui y a t-il qu'il n'y a pas ?
D'un rien dieu en fait un tout
De ce tout l'homme le détruit
Pour, tour à tour, haïr ou tuer,
Bouleverser ou aimer.

Les soleils de mon enfance
Bercent mes larmes d'une langueur
Monotone sur les plages de mes heures
Les mystères illuminent mes stances
D'un grand feu immense.

Apprendre le bonheur pour ne plus l'humilier
Le pleurer et ne jamais l'oublier
Une vie durant apprendre ardemment l'amour
Pour en mourir et ne jamais en vivre.

© 2009 Marwan Elkhoury

Sunday, 22 March 2009

Voyages immobiles

Oui, j'ai enfin pris la décision heureuse,
Celle de quitter la terre ferme pour des eaux sulfureuses,
Prendre le large pour aller nulle part,
Lâcher les cordes, hisser les voiles,
Lever les ancres et larguer les amarres,
Rejoindre des horizons sans horizons,
Retrouver les abords d'inexistantes civilisations.

J’ai quitté femmes, enfants, parents et amis,
Quitté routines, tâches obscures, tristesses et plaisirs,
Pour retrouver les soleils rouges et les terres de glacis,
Vivre des jours sans nuits et des nuits sans désirs.

Je suis parti pour partir,
Partir sans buts, partir pour ne rien trouver
Je suis parti pour ne pas rester,
Partir là où l'on ne m'attendait,
Partir pour ne plus revenir,
Partir pour les éternités.

Tel un Christophe Colomb de l'irréel,
Parti pour des Indes imaginaires,
J'accostais dans des Amériques pathétiques
Pour coloniser ces terres de fiel et de rixes,
Écraser ces peuples sous mes désirs sauvages,
Et tirer de leurs plumes multicolores,
Une musique pleine de rancoeurs et de rages.

L'Europe, l'Europe toute entière m'a déçu,
Ses minables prétentions et ses lacunes obtuses,
Tel aussi cet orient perdu,
Ses splendides couchers de soleils
Qui ne peuvent cacher les violentes pourritures
Sous cet amoncellement de mystérieuses ordures
Noyées sous les vestiges des déserts sans ciels.

Qu’ai-je encore à attendre de toute civilisation
Que son anéantissement,
Et le mien avec,
Et l’entier assouvissement
De tous mes vices de civilisé crucifié,
Si las de nos passés passés,
Ecoeuré de notre présent absent
Déséspéré quant à nos à venirs trépassés.

© 2009 Marwan Elkhoury